Molière avait jeté un regard d’aigle sur les mœurs de son temps ; il avait vu l’esprit de coterie succédant à l’esprit de faction ; le génie de la Fronde passait de l’hôtel de Longueville à l’hôtel Rambouillet, les aventuriers de finances, les faiseurs de projets et les intrigants de tous genres, qui pullulent toujours à la suite des troubles civils et au commencement des nouveaux règnes, lui avaient tour à tour servi de modèle ; mais l’hypocrisie était le vice qui avait le plus exercé ses méditations, le plus enflammé sa verve. […] Il est plus naturel de penser qu’il s’y rendit sans peine, et qu’il n’eut l’air de s’en défendre que pour ne pas compromettre la délicatesse de son goût ; et, si dans le fait il avait peu de penchant pour un genre indigne de ses hautes conceptions comiques et de la pureté de son école, il n’était pas fâché de traduire sur la scène le libertin effronté qui se joue de toutes les lois divines et humaines, avant d’y exposer le libertin hypocrite qui invoque sans cesse le ciel pour satisfaire les plus honteuses passions. […] « Il est vrai qu’il y a quelque chose de galant dans les ouvrages de Molière, et je serais bien fâché de lui ravir l’estime qu’il s’est acquise ; il faut tomber d’accord que s’il réussit mal à la comédie, il a quelque talent pour la farce ; et quoiqu’il n’ait ni les rencontres de Gauthier-Garguille, ni les impromptus de Turlupin, ni la bravoure du Capitan, ni la naïveté de Jodelet, ni la panse de Gros-Guillaume, ni la science du docteur, il ne laisse pas de plaire quelquefois et de divertir en son genre. […] Voici comment le burlesque auteur de Jodelet a représenté le genre de vie de Montufar et des deux aventurières de Séville.