Mais quand même il n’y aurait jamais eu d’action de ce genre, il ne s’agit pas de ce qui a lieu ou de ce qui n’a pas lieu, mais de ce qui doit avoir lieu ; quand même il n’y aurait pas encore eu jusqu’ici d’ami sincère, la sincérité n’en serait pas moins obligatoire pour tous les hommes. »On voit que la question de l’hypocrisie posée par le Tartuffe s’applique à la morale en général aussi bien qu’à la piété : je puis douter de la vertu des hommes comme de leur dévotion ; mais la réponse est la même de part et d’autre : le libertin ne peut tirer aucun avantage de l’hypocrisie des faux sages ou de l’hypocrisie des faux dévots. […] L’auteur des Observations sur le Festin de Pierre 7 commence en jouant la légèreté et la malice ; il feint de rendre justice à Molière et croit lui décocher les traits les plus sanglants sans se douter combien il accuse lui-même par là la pauvreté et la platitude de son esprit : « Il est vrai, dit-il, qu’il y a quelque chose de galant dans les ouvrages de Molière, et que, s’il réussit mal à la comédie, il a quelque talent pour la farce. »Ce n’est même là qu’une feinte concession, car il ajoute : « Quoi qu’il n’ait ni les rencontres de Gautier-Garguille, ni les impromptus de Turlupin, ni la bravoure du capitan, ni la naïveté de Jodelet, ni la panse de Gros-Guillaume, ni la science du docteur, il ne laisse pas de divertir quelquefois et de plaire en son genre. »Il lui reproche de n’avoir pas le talent de l’invention ; mais il reconnaît qu’il traduit assez bien l’italien et parle passablement français. […] De plus, si, comme on le dit, Molière a pensé à lui-même dans son portrait d’Alceste, croit-on qu’il eût aimé à se tourner en ridicule si ce ridicule eût été du genre qui flétrit et qui abaisse, et non de ce genre qui se concilie avec la dignité de l’homme ? […] S’il s’agissait en effet d’une vertu de ce genre, plus préoccupée du ciel que de la terre, demandant à la nature et à la chair plus de sacrifices qu’elles n’en peuvent supporter, se mêlant au monde pour prêcher le mépris du monde, on comprendrait encore que le monde regimbât, ou du moins qu’il renvoyât aux prédicateurs attitrés le rôle de convertisseurs ; un tel rôle chez un homme du monde aurait en effet quelque chose de prétentieux et légitimerait quelques représailles.