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95. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Le compliment de Molière dut plaire, nous en sommes convaincu ; mais enfin il s’adressait à une cour que les compliments de Floridor avaient plus d’une fois transportée, car nous voyons au Mercure, dans une Lettre sur Molière et les comédiens de son temps, que, soit que Floridor jouât un rôle, soit qu’il prononçât un compliment, les spectateurs gardaient un silence qui n’était interrompu que par des acclamations générales, et que « ces compliments, ordinairement courts, mais bien tournés, faisaient souvent autant et plus de plaisir que la pièce qu’on venait de jouer ». […] Il voulait l’attaquer, mais un ami obligeant s’efforça de lui faire entendre qu’il n’y avait rien de commun entre lui et un mari dont les affronts n’étaient qu’imaginaires ; et, soit qu’il sentît toute la justesse de cette réflexion, soit plutôt qu’il désespérât de mettre les rieurs de son côté, il prit le parti de garder le silence et de ne pas retourner voir la pièce. […] Ses deux premières pièces, après avoir charmé la province, étaient venues faire les délices de Paris ; les Précieuses ridicules avaient jeté 1’alarme dans le camp de l’hôtel Rambouillet ; Le Cocu imaginaire avait transporté de fureur l’honnête bourgeois dont nous avons parlé et un grand nombre d’autres, ses compagnons d’infortune ; on avait attribué par envie le succès de ses derniers ouvrages au mérite dont Molière avait fait preuve en en remplissant les principaux rôles : de là grande jalousie de la part des comédiens de l’hôtel de Bourgogne, puissamment protégés, et qui, tout en joignant leurs voix au chorus d’improbation contre les pièces, auraient bien voulu qu’on portât le même jugement sur le talent de l’acteur, auquel ils gardaient d’ailleurs rancune pour certaine épigramme des Précieuses : beaux esprits, femmes savantes, maris trompés, acteurs en vogue, tous conspiraient contre l’auteur. […] Deux partisans de Molière répondirent à ces calomnies : ils eurent bien soin toutefois de garder l’anonyme, tant la coterie était puissante et redoutée69. […] Molière, forcé de garder la chambre, remit à Chapelle le soin de faire les honneurs de la maison.

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