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19. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IV. Jugement sur les Hommes de Molière. » pp. 65-82

Cette idée est digne qu’on la recherche et qu’on l’étudie, parce que c’est l’idée d’un observateur hors ligne et d’un génie exceptionnel ; il est utile de la bien connaître pour se rendre compte de l’influence morale d’un auteur si attachant. […] Oui, ils sont beaux ; mais ils ne sont point là spécialement pour instruire ; ils s’y trouvent seulement au nom de l’art et du génie ; ils font partie de la matière humaine remuée et transformée par ce hardi créateur ; ils ajoutent à l’intérêt, à l’émotion, au charme victorieux qui domine la foule enivrée. […] Si vraiment, on reconnaît l’auteur comique230 : sa verve n’est pas moindre, et il ne traite pas le bouffon avec moins de génie que l’agréable et le fin 231. […] Tous ces entremetteurs infâmes, tous ces valets, âmes damnées du vice et de la débauche, travaillent cependant à des causes justes, nobles, touchantes ; ils sont tendres, compatissants, désintéressés ; ils ont un esprit qui touche au génie : cela est faux dans la réalité. […] Et s’il faut lui reprocher de nous avoir souvent forcés à applaudir ce que nous devons condamner, d’avoir maintes fois employé la puissance de son génie à flétrir la fleur de notre sens moral par l’entraînement du rire, il faut, sans lui pardonner cette erreur, lui rendre la justice que personne n’a plus fermement parlé le langage du bon sens, qui doit nous conduire dans la pratique de la vie ; personne n’a mieux compris ni montré quel ensemble de vertus supérieures doit se rencontrer en un homme pour qu’il soit honnête homme.

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