Chrysale appelle à son secours et son frère et sa fille et sa servante ; il ferait venir jusqu’aux gens du voisinage : Clitandre compte peu sur tous ces auxiliaires, et il met, avec raison, sa plus grande espérance dans l’amour persévérant d’Henriette. […] Tous deux sont contrariés dans ce projet insensé par un frère qui le combat avec les armes du raisonnement, et par une servante qui emploie celles de la ruse et du sarcasme. […] On peut, d’ailleurs, opposer à cette saillie d’un personnage imaginaire ce que dit Molière lui-même, dans la préface du Tartuffe : « La médecine est un art profitable, et chacun la révère comme une des plus excellentes choses que nous ayons. »Le seul rôle de Béralde prouve, mais prouve invinciblement que Molière, à l’époque du moins où il écrivit Le Malade imaginaire, n’avait aucune foi à la médecine, Béralde, l’homme raisonnable de la pièce, comme Cléante l’est dans Le Tartuffe ; Béralde, par la bouche de qui Molière attaque la manie d’Argan, comme il combat celle d’Orgon par l’organe de ce même Cléante, Béralde dit, comme l’athée don Juan, et en outrant même le mépris de ses expressions : « La médecine est une des plus grandes folies qui soient parmi les hommes ; et, à regarder les choses en philosophe, je ne vois point de plus plaisante momerie, je ne vois rien de plus ridicule qu’un homme qui veut se mêler d’en guérir un autre. »Ajoutons que la longue et vive argumentation de Béralde contre la médecine ne va point directement au sujet ; que l’important pour lui est de prouver à Argan, son frère, non pas qu’il aurait tort de se confier à la médecine, s’il était malade, mais qu’il fait mal de s’y livrer, puisqu’il se porte bien.