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87. (1919) Molière (Histoire de la littérature française classique (1515-1830), t. II, chap. IV) pp. 382-454

Et c’est assurément trop, que de voir sacrifier à Molière tous ceux d’abord que leur mauvaise fortune mit jadis en conflit avec lui  ; tous ceux ensuite qui, l’ayant sincèrement admiré, ne l’ont pas admiré sans mesure ; et tous ceux enfin qui, pour être grands dans un autre genre et d’une autre manière, ne sont pas moins grands que l’auteur du Misanthrope. […] Comme le Roman comique ne laisse pas d’être amusant, l’hypothèse a fait fortune  : Dufresne donc, le chef nominal de la troupe, s’avançant « courbé sous le poids d’une basse de viole », Madeleine Béjart faisant son entrée dans les villes « juchée comme une poule sur le haut du bagage », et Molière qui l’escorte « avec un grand fusil sur l’épaule et chaussé de brodequins à l’antique », tous ces traits, et d’autres encore, ce tableau de la troupe et du grand homme en débraillé, traversant allègrement les années d’épreuves et de misères, ne pouvait manquer de séduire les imaginations. […] Les mots ou les expressions dont il paraît être le créateur n’ont en général pas fait fortune. […] Mais, sous l’influence de diverses causes, — développement de l’esprit de conversation, fortune de l’éloquence de la chaire et du théâtre — voici qu’entre 1610 et 1640 presque tous nos écrivains deviennent ce que l’on appelle aujourd’hui des auditifs, et leur style un style oratoire.

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