Mais parce qu’en conséquence des usages établis dans la société ces caracteres ne se produisent pas sous les mêmes formes dans tous les pays, & qu’une passion qui est la même en soi, varie d’un siecle à l’autre, n’agit pas aujourd’hui comme elle faisoit il y a deux ou trois mille ans chez les Grecs & chez les Romains où les erremens étoient compassés sur leurs usages, & que dans le même siecle elle n’agit pas à Londres comme à Rome, ni à Paris comme à Madrid ; il en résulte des caracteres particuliers, communs toutefois à chaque nation. […] C’est alors que la comédie nouvelle cessa d’être une satyre, & prit la forme honnête & décente qu’elle a conservée depuis. […] Les révolutions que la comédie a éprouvées dans ses premiers âges, & les différences qu’on y observe encore aujourd’hui, prennent leur source dans le génie des peuples & dans la forme des gouvernemens : l’administration des affaires publiques, & par conséquent la conduite des chefs, étant l’objet principal de l’envie & de la censure dans un état démocratique, le peuple d’Athenes, toûjours inquiet & mécontent, devoit se plaire à voir exposer sur la scene, non-seulement les vices des particuliers, mais l’intérieur du gouvernement, les prévarications des magistrats, les fautes des généraux, & sa propre facilité à se laisser corrompre ou séduire. […] Le comique noble peint les mœurs des grands, & celles-ci different des mœurs du peuple & de la bourgeoisie moins par le fond, que par la forme.