/ 203
107. (1825) Notices des œuvres de Molière (IX) : La Comtesse d’Escarbagnas ; Les Femmes savantes ; Le Malade imaginaire pp. 53-492

Celui qui n’avait pas craint d’attaquer l’hôtel de Rambouillet dans toute la force de sa puissance, dans tout l’éclat de sa gloire, aurait-il redouté les débris d’une coterie vieillissante ; expirant sans bruit au sein d’une génération nouvelle qui daignait à peine s’en souvenir ? […] Chrysale est un honnête bourgeois, riche d’un patrimoine acquis peut-être par le commerce, qui, restant indifférent, étranger même au progrès de la civilisation, a conservé toute la simplicité des opinions anciennes et des mœurs paternelles : du reste, raisonnable, mais borné, ayant des volontés, mais privé de la force nécessaire pour les faire prévaloir, il est le type de ces bons maris, qui ont laissé prendre à leurs femmes un empire dont ils enragent ; qui, cachant leur faiblesse sous le nom d’amour du repos, endurent un malheur de toute la vie pour éviter une querelle d’un quart d’heure ; mais qui se vengent de la tyrannie qu’ils subissent, en querellant ceux qui sont de leur avis, en les contraignant quand ils ne s’opposent à rien, et en leur ordonnant impérieusement ce qu’ils ont envie de faire. […] Sa manie, heureusement rare, est un travers de l’esprit, et non pas un vice de l’organisation ; elle prête d’autant plus au ridicule, qu’elle contraste plus avec la force de corps qui nous est propre, et avec la vigueur d’âme qui en est la compagne ordinaire. […] Dufresny n’avait pas besoin de s’approcher ainsi de Molière, et de lutter, pour ainsi dire, corps à corps avec lui, pour nous faire apercevoir de combien l’homme de génie surpassait en hauteur et en force l’homme d’esprit, qui s’ignorait assez pour se croire au moins son égal.

/ 203