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105. (1900) Molière pp. -283

Il avoue n’avoir qu’une admiration froide pour une femme aussi forte ; il avoue même n’avoir qu’une foi limitée dans l’impeccabilité d’une personne capable de se tirer d’une aussi scabreuse situation avec un aussi étonnant sang-froid et une aussi diabolique adresse, et qui ne se gêne pas de témoigner le plus profond, le plus parfait mépris au sot mari qu’elle éclaire à tout risque et qu’elle venge ! […] Voyez le Sganarelle de Dom Juan dans ses discussions métaphysiques avec son maître ; Molière cherche à exprimer la foi du village, la foi du charbonnier, la foi qui n’est éclairée en aucune façon : il établit dans les croyances de Sganarelle la plus singulière et cependant la plus vraie des gradations. […] Il ne lui faut point vouloir de mal de tout ce qu’il pourra vous faire ; c’est de la meilleure foi du monde qu’il vous expédiera, et il ne fera, en vous tuant, que ce qu’il a fait à sa femme et à ses enfants, et ce qu’en un besoin, il se ferait à lui-même22. […] À cette fantaisie de Dom Juan, le Pauvre résiste ; Dom Juan le presse, il résiste jusqu’au bout, et se montre, armé de sa foi, plus fort que Dom Juan. […] Cette émancipation date aussi des beaux traités de morale de Cicéron, qui a retracé et popularisé tout ce qu’il y avait d’humain dans la philosophie grecque ; elle date enfin, incontestablement, du christianisme, qui, affirmant le prix égal de toutes les âmes, fondait l’obéissance au père, comme une condition essentielle de la famille, sur la foi religieuse, et qui, la recommandant comme une obligation de la conscience, rendait l’obéissance plus libre en même temps que plus douce, et imposait au chef de famille une vue plus certaine du droit des personnes qui étaient confiées à sa tutelle encore plus que soumises à son commandement.

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