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19. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

Harpagon, en effet, est aussi fastueux qu’un avare peut l’être : il ne l’est point par goût, ce qui impliquerait avec son vice ; mais il l’est par une sorte de nécessité ; et cette nécessité est la gêne, la torture morale qui, si j’ose m’exprimer ainsi, fait prendre au personnage tant d’attitudes plaisantes, et donne à sa figure un jeu de physionomie si comique. […] Qu’Harpagon n’ait ni maison, ni train, ni valets, ni en-fans, ni maîtresse, qu’enfermé dans l’amour de l’or et dans la crainte de le perdre, il soit inaccessible à tout autre désir, à tout autre souci, il n’aura plus cette avarice diversifiée, animée, passionnée, qui fait de lui un personnage éminemment dramatique : ce ne sera plus le sublime Harpagon, ce sera quelque ignoble pince-maille, dont l’image ne vaudra pas mieux que la figure, aussi rebutant à voir au théâtre qu’à rencontrer dans le monde. […] On peut regretter qu’il n’ait pas donné à ses figures de plus grandes proportions ; à sa composition plus de noblesse, de mouvement et de variété ; à son tableau un cadre plus étendu. […] Il y a encore, au fond de quelques provinces, des Sotenville et des bons, des Sotenville en ligne directe : ils ne sont pas vêtus tout à fait comme leurs ancêtres, ils ont un langage et des manières un peu différentes ; mais les qualités héréditaires subsistent en eux, et l’air de famille est profondément empreint sur leur figure. […] Elle suppose une gaîté originale ; les caractères en sont comme les grotesques de Calot, où les principaux traits de la figure humaine sont conservés.

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