Quelle que soit la cause de cette impression, toujours est-il que le Don Juan est animé d’un feu si rapide, d’une gaîté si audacieuse, d’une variété d’effets et de ton si peu ordinaire dans notre théâtre, d’une liberté de penser si singulière ; il nous présente un caractère si nouveau et si brillant, une insolence de vice si élégante et si fière, en un mot, une peinture d’une telle couleur et d’une telle chaleur, que, malgré les Sganarelle et les Pierrot, qui font repoussoir, l’œuvre dans son ensemble n’en est pas moins poétique, comme Don Quichotte, malgré Sancho Pança. […] Si cette terreur a disparu devant le progrès de la raison, au point que les dévots eux-mêmes ne croyaient pas plus que nous à la statue et aux feux souterrains et matériels, en quoi Molière en serait-il responsable ? […] Un dévot ne l’eût pas fait ; mais un dévot n’eût pas fait de comédie ; et il suffit d’avoir le feu du génie dramatique pour ne reculer devant rien de ce qui se prête au mouvement et à l’art du théâtre.