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151. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

elle se grise facilement, cette imagination romantique, et alors elle voit trouble, et tombe dans des jugements exactement inverses, mais exactement aussi faux, injustes, étroits et bornés qu’aucun de ceux que porta jamais la froide raison du dix-huitième siècle. […] Là se réunissaient de vraies et de fausses précieuses, de grands et de petits écrivains, des causeurs qui savaient rendre la raison agréable et des bavards qui faisaient déraisonner l’esprit. […] Molière changea Tartuffe en directeur laïque ; et, comprenant que pour mieux combattre la fausse dévotion, il lui fallait faire bien haut l’éloge de la vraie, et même inventer un personnage qui la représentât et remplît la fonction du chœur antique438, il ajouta à son ouvrage les fameuses tirades de Cléante, qui firent, cinq ans après la représentation de Versailles, le salut du Tartuffe et de Molière devant le grand public. […] C’est l’athée audacieux après le faux dévot sournois, le grand seigneur méchant homme après le gueux et le cuistre abject. […] La foule dorée de Versailles était frondée aux applaudissements du public parisien, non pour ses travers superficiels, comme dans Les Fâcheux, mais pour ses faux dehors, ses trahisons, ses lâchetés, ses misères secrètes et ses vices, au milieu desquels un honnête homme ne pouvait vivre451.

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