La chambre à coucher, tendue tout entière de tapisserie façon de Rouen, était garnie de beaux et bons meubles, comme il convient à la chambre d’un tapissier, ornée de tableaux et d’un miroir de glace de Venise ; nous avons là, comme sauvée de la destruction et réduite en quelques traits, une image de la vie réglée, saine et facile d’il y a deux siècles passés. […] Elle eut donc certainement des torts : mais on doit dire aussi que dans cette maison facile où Madeleine Béjart continuait de gouverner la dépense et de régler l’ordinaire, sous ce toit où Mlle de Brie habitait, dont l’humeur accommodante et l’affection banale, mais toujours fidèle, étaient depuis tantôt quinze ou vingt ans en possession de consoler le maître du logis, dans ce ménage enfin où le mari, s’il apportait la gloire, — une gloire à cette époque encore vivement contestée, ne l’oublions pas, — apportait aussi ses quarante ans sonnés, les préoccupations irritantes, les impatiences nerveuses, renouvelées tous les jours, de son triple métier d’acteur, de directeur d’une troupe difficile à conduire, et d’auteur ; il n’est pas étonnant qu’une femme jeune, aimable, coquette, mais de petit jugement, si l’on veut, et d’humeur indépendante, ait mal supporté des froissements d’amour-propre, et les exigences d’une affection plus passionnée que raisonnée sans doute, plus ardente que tendre et protectrice, et, pour tout dire, très probablement mêlée d’un peu de ce mépris de l’homme pour la femme qui l’attire et le retient malgré lui. […] Quant aux raisons de leur principe, elles sont faciles à apercevoir : ils savent quelle est l’inépuisable fécondité d’un seul sujet. […] On le verra bien si on compare ses vers «à ceux de La Fontaine, qui est poète, qui l’est dans ses Fables, et même dans ses Contes, où pourtant on ne dira point qu’il soit préoccupé de sentiments très nobles.— En résumé, nous dirons que la versification de Molière, telle qu’elle est, facile, « chevillée », prosaïque, est exactement adaptée aux nécessités de sa comédie.