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101. (1882) L’Arnolphe de Molière pp. 1-98

tout ce qu’il fait là, Horace au désespoir le ferait comme lui, mais il a vingt ans, et ce serait touchant et pathétique ; Arnolphe en a quarante-deux, il est absurde et ridicule ; et Agnès, qui l’a docilement écouté, dans les meilleures intentions du monde, exprime l’avis du public quand elle dit : Tenez, tous vos discours ne me touchent point l’âme ; Horace avec deux mots enterait plus que vous. […] « Tout dire., tout indiquer, tout accentuer, tout faire entendre, exprimer l’homme tout entier, son éducation, ses travers, ses passions, avec ce souffle de la voix si uni, si égal en apparence, si merveilleux en réalité, si insaisissable dans la délicatesse de ses nuances qu’il n’existe pas de notation pour elles et qu’aucun instrument artificiel ne saurait les exécuter : c’était là qu’il voyait la perfection de son art, la science exquise du véritable comédien français1 » Il affectait de dédaigner les autres parties de l’acteur, estimant que la diction les peut remplacer, tandis que rien ne la remplace ; il trouvait d’un art grossier, par exemple, ces recettes faciles pour provoquer  le rire, les entrées étourdissantes, les lazzi, les répétitions de mots, comme s’en permettait Monrose ; Monrose disait :          Et si dans la province Il se donnait en tout vingt coups de nerf de bœuf, Mon père pour sa part en emboursait dix-neuf. […] Je ne veux gâter cette lettre par aucun commentaire ; je le demande seulement : quel est le malheureux qui ne se sentira touché par cette prière d’un amour à tâtons, mêlé de craintes et d’abandonnements, et qu’elle exprime l’un ou l’autre, si franche et si simple dans son expression ?

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