Dans tous les lieux où se fabrique l’esprit à bon marché, qui est la courante monnaie de la comédie, sous les piliers des halles (qui se connaissaient en comédie, et pour cause), sur le Pont-Neuf (une grande autorité aujourd’hui perdue) dans les cabarets, (il n’y a plus de cabarets, il y a des cafés où l’on boit de l’eau chaude), dans les boutiques des barbiers (aujourd’hui fermées et remplacées par les salons des coiffeurs), chez les suisses des hôtels (il n’y a plus de suisses, il n’y a plus d’hôtels, il n’y a que des maisons et des portiers), parmi les porteurs de chaises, race plaisante et moqueuse qui joue son rôle dans la première comédie de Molière (il n’y a plus de chaises et plus de porteurs, il y a des cochers de fiacre en haillons), dans le corps illustre des laquais (il n’y a plus de laquais), et parmi les clercs de procureurs (il n’y a plus de procureurs, il y a des avoués ; il n’y a plus de clercs, il y a des dandys en gants jaunes), en un mot dans tous les endroits où l’on causait, tout haut, avec la verve et l’esprit qui arrivaient, à chacun, dans son partage, et chez les bourgeoises (il n’y a plus de bourgeoises), et partout enfin où le rire facile et moqueur, où le bon sens trivial, où l’expression énergique, où l’adjectif sonore étaient les bienvenus, on prit parti pour les comédiens d’autrefois, contre les comédiens modernes ; pour la Melpomène crottée et couverte d’oripeaux reluisants au soleil, contre la Melpomène élégante et parée. […] Quant à l’expression — toujours pour une femme, elle peut être juste, elle n’est pas poétique. […] L’expression n’est ni heureuse ni adroite. — Je n’ai fait qu’obéir à la délicatesse, répond-il.