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13. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

Dans notre désir de rendre hommage à cette noble entreprise littéraire sans trop sortir du cadre de nos études habituelles, nous avons essayé de rechercher dans ces trois chefs-d’œuvre la pensée philosophique et morale qui les anime ; et, de même que nous nous étions occupé naguère de la psychologie de Racine1, nous tenterons d’exposer dans les pages qui suivent ce que l’on peut appeler la philosophie de Molière. […] Ici, Bourdaloue ne s’aperçoit pas qu’il parle exactement comme Molière : celui-ci, en effet, n’avait-il pas dit : Mais les dévots de cœur sont aisés à connaître ; Notre siècle, mon frère, en expose à nos yeux Qui peuvent nous servir d’exemples glorieux. […] L’orgueil de l’hérésie est un vice que l’on peut blâmer mais lorsqu’on parle d’hypocrisie, ce n’est pas de cela qu’il s’agit, et pour vouloir frapper deux adversaires à la fois, s’exposent à n’en toucher aucun. […] » Molière en effet a compris qu’un plaidoyer en faveur de Dieu, exposé en forme par un représentant de la piété, eût été à la fois très froid et très inconvenant : car le raisonnement appelait le raisonnement, et don Juan n’eût pas été homme à rester court. […] C’est sa vertu, sa droiture, sa délicatesse, qui l’expose au ridicule, qui fait rire Philinte et les marquis, qui nous fait rire nous-mêmes parce que nous nous mettons à leur place et que nous ririons comme eux si nous y étions.

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