gémissent de voir l’esprit de parti, la haine, la trahison regner dans une carriere où la gloire devroit seule enfanter une honnête rivalité ; ceux enfin qui désespérant de pouvoir arrêter le désordre, tombent dans l’indifférence si funeste aux talents, & achevent nonchalamment leur carriere en comptant par leurs doigts, non les couronnes qu’ils ont encore à cueillir, mais les désagréments qu’ils ont à essuyer. […] Quant à nos Comédiens actuels, je suis sûr que les trois quarts & demi gémissent de la chûte du théâtre ; qu’ils donneroient tout au monde pour le voir dans son ancienne gloire, & qu’on peut leur reprocher tout au plus cette foiblesse, cette indolence avec laquelle ils souffrent que deux ou trois esprits remuants profitent des abus anciens pour en glisser de nouveaux, qu’ils en imposent à leurs supérieurs trop occupés d’affaires plus importantes, qu’ils bouleversent les anciens réglements62, ou s’en fassent à leur guise pour persécuter leurs camarades & rebuter les Auteurs. […] Qu’on cesse d’y représenter ces drames étonnants qui blasent le goût, & produisent sur le public l’effet des liqueurs fortes sur les palais délicats ; qu’on ne s’y borne pas à rouler sur sept ou huit canevas, tandis qu’on a le fonds le plus riche ; qu’on y reprenne ces parodies si propres à corriger les ridicules, si nécessaires pour la police du Parnasse ; qu’on y parle enfin plus au cœur & à l’esprit qu’aux oreilles : alors tout Paris dira avec Fontenelle en y courant : Je vais au grenier à sel.