Leurs ennemis sont les mêmes : c’est l’altière Philaminte, qui veut disposer de sa fille en faveur d’un autre ; c’est la jalouse Armande, qui seconde les projets de sa mère, afin que Clitandre lui reste ou lui revienne ; c’est le ridicule et odieux Trissotin, qui, ne voyant que la dot, épouserait aussi volontiers l’aînée que la cadette, mais qui est obligé de s’attacher aux volontés toutes puissantes de la mère. Envers ces trois ennemis, chacun d’eux a une manière particulière d’agir. […] Clitandre est un jeune gentilhomme, qui n’est pas d’une assez haute naissance pour se mésallier en épousant la fille d’un roturier, et qui a trop peu de bien pour ne pas désirer de faire un riche mariage, mais qui ne fait pas de son nom un trafic, et de sa recherche une spéculation ; qui aime Henriette bien moins pour sa richesse, que pour ses vertus, ses charmes et ses grâces, et qui se montre désintéressé, en offrant de partager sa fortune avec une famille qu’il croit entièrement dépouillée de la sienne : d’ailleurs, plein d’honneur et de loyauté, sensible au mérite parce qu’il en a lui-même, trop naturel pour ne pas être ennemi de l’affectation, et trop franc pour cacher un sentiment qui peut lui nuire, il est le modèle de ces jeunes gens raisonnables sans froid calcul, sensibles sans exaltation romanesque ; et généreux sans faste, comme sans effort, dont je voudrais pouvoir dire que la société abonde, mais que certainement toutes les mères devraient vouloir pour gendres, ainsi que leurs filles pour maris.