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65. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

De même Ariste a élevé Léonor avec une philosophie très indulgente ; elle a vu « les belles compagnies, les divertissemens, les bals, les comédies ; » on lui permet de satisfaire ses goûts d’élégance, de « dépenser en habits, linge et nœuds. » Il est, ce rôle d’Ariste, plein d’une franchise de brave homme, d’une bonté sereine et douce, avec une pointe de mélancolie ; et les beaux vers qui le composent, d’un tour si net et d’un mouvement si aisé, ont jailli sans effort du cœur du poète, car ils traduisaient l’état de son âme. […] D’abord, le 20 février 1622 n’était pas un mardi, mais un lundi, lendemain du premier dimanche de carême ; l’église n’était pas déserte ce jour-là ; il y eut sept autres mariages avec celui de Molière ; ce mariage n’eut pas lieu à dix heures du soir, mais entre neuf et dix heures du matin, car il est le premier inscrit de la série des huit ; quant à la dispense de doux bans, elle était d’usage comme elle l’est encore : on la demandait et on l’accordait couramment. […] Elle a fait éclater ensuite une disposition toute divine, et ses pieds amoureux sur l’émail du tendre gazon traçoient d’aimables caractères qui m’enlevoiont hors de moi-même et m’attachoient par des nœuds invincibles aux doux et justes mouvemens dont tout son corps suivoit les mouvemens de l’harmonie. » En paraissant devant la cour avec l’Elmire du Tartuffe, Armande aborde un caractère autrement sérieux que les rôles d’aimable fantaisie et de convention romanesque où nous venons de la voir. […] Je me moque de cela et ne veux point mourir si jeune… Je veux jouir, s’il vous plaît, de quelque nombre de beaux jours que m’offre la jeunesse, prendre les douces libertés que l’âge me permet, voir un peu le beau monde et goûter le plaisir de m’ouïr dire des douceurs. » Ces deux passages rappellent ce que nous apprend Grimarest du ménage de Molière.

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