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150. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

Gardons-nous de croire, avec certains commentateurs, que Molière ait conçu un système particulier de morale, et que son dessein ait été de l’exposer dans ses comédies. […] je n’ai point changé (dit-il), mes sentiments sont toujours les mêmes Si j’ai dit que je voulais corriger ma conduite et me jeter dans un train de vie exemplaire, c’est un dessein que j’ai formé par pure politique, un stratagème utile, une grimace nécessaire où je veux me contraindre pour ménager un père dont j’ai besoin, et me mettre à couvert, du côté des hommes, de cent fâcheuses aventures qui pourraient m’arriver. » La nature instinctive des hommes ne change pas plus que la nature instinctive des animaux, et lorsque les instincts des premiers sont bizarres ou pervers, toutes les ressources de leur intelligence ne leur donnent point la raison, le bon sens ; loin de là, l’intelligence ne fonctionne alors qu’au profit de la bizarrerie ou de la perversité, ne fait que rendre celles-ci intelligentes et fécondes par conséquent en projets insensés et dangereux. […] Il exprime nettement ce fait dans ces vers qui appartiennent à l’Étourdi : « Mascarille est un fourbe et fourbe fourbissime sur qui ne peuvent rien la crainte et le remords, et qui pour ses desseins a d’étranges ressorts. » Rien n’a échappé à Molière de ce qui touche de près ou de loin à l’état moral des criminels. […] Aux dernières paroles désespérées que prononce Alceste, paroles par lesquelles il déclare son projet de vivre désormais isolé de la société, Philinte, touché de compassion pour ce malheureux, dit à Eliante : «… allons Madame, employer toute chose pour rompre le dessein que son cœur se propose. » Tel est le précepte moral qui, tiré de cette comédie célèbre, peut servir à devenir meilleur à quiconque saura le mettre en pratique.

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