Certes, s’ils se bornaient à railler ces esprits positifs et raisonneurs, qui, avec le calme sourire du bon sens triomphant, demandent à la poésie une fin pratique en dehors d’elle-même ou l’exposition logique d’une idée claire, renvoyant aux Petites-Maisons les Aristophane et les Shakespeare ; s’ils se bornaient comme Goethe à dire à ces sages : Vous oubliez que l’imagination a ses lois propres auxquelles la raison ne peut pas et ne doit pas toucher, que la fantaisie a la puissance et le droit d’enfanter des créations destinées à rester, pour la raison, des problèmes éternels, et qu’une production poétique est d’autant plus haute, plus large et plus profonde qu’elle échappe davantage à la mesure et à la portée de l’intelligence commune ; s’ils se bornaient à cela, certes il faudrait les remercier. […] N’allez pas lui demander à brûle-pourpoint son avis sur la pièce. […] Elle ouvre librement, largement, sans réserve, son esprit aux impressions du comique, son âme à celles de la beauté… La toile tombe ; elle s’est parfaitement divertie, sans se demander une seule fois si elle avait raison, et si l’Esthétique de M. […] Elle doute, elle se demande si elle a suffisamment cultivé son goût par l’étude et la comparaison des beautés de l’espèce dont il s’agit312 ; puis elle étudie, elle compare, et attend d’avoir mieux compris. […] Mais, s’il était au fond indifférent, nous ne disons pas incrédule, il sauvait toutes les formes de l’orthodoxie, et lorsqu’une de ses tragédies avait réussi, il expliquait très bien son succès par les règles : « Je ne suis point étonné que ce caractère ait eu un succès si heureux du temps d’Euripide, et qu’il ait encore si bien réussi dans notre siècle, puisqu’il a toutes les qualités qu’Aristote demande dans le héros de la tragédie.