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142. (1910) Rousseau contre Molière

En écrivant la Nouvelle Héloïse, Rousseau est parfaitement dans son état d’esprit habituel, amour de la simplicité de mœurs, de la simplicité d’esprit, de la simplicité de cœur et de la simplicité d’éducation ; mais il est sous l’influence de Mme d’Epinay, qu’il a aimée un peu plus qu’il n’a voulu en convenir, de Mme d’Houdetot qu’il a aimée passionnément, et, quoiqu’il ait peint Julie surtout en esprit de réaction contre Mme d’Epinay et même contre Mme d’Houdetot, pourtant encore il y a dans Julie des traces, non de grande dame, ce que ni Mme d’Epinay ni Mme d’Houdetot n ont jamais été, du moins de dame, de châtelaine, de femme à conversation brillante et à lettres où il y a, non seulement du sentiment, mais de l’esprit et de la littérature. Deux ans plus tard, en écrivant Sophie, il est revenu des dames — pour jamais, remarquez-le ; — il a de la rancune à leur égard, surtout à l’égard de celles qui tiennent bureau d’esprit, un peu à l’égard de celles qui aiment les littérateurs, et décidément il se dit comme Proudhon : « ou ménagère, ou courtisane,  » et il ajoute : « Mon choix est fait. […] non pas beaucoup plus, voilà le bon parti. » Mlle Le Vasseur n’a jamais su quels immenses services lui avaient rendus Mme d’Epinay et Mme d’Houdetot, et à quel point le goût, incompréhensible par ailleurs de Rousseau pour elle, s’explique par les souvenirs que ces deux dames avaient laissés dans son esprit.

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