Que l’on propose à un poète comique, à un auteur de beaucoup de talent, un plan tel que celui-ci : Un homme dans la plus profonde misère vient à bout, par un extérieur de piété, de séduire un homme honnête, bon et crédule, au point que celui-ci loge et nourrit chez lui le prétendu dévot, lui offre sa fille en mariage, et lui fait, par un acte légal, donation entière de sa fortune. […] Le dévot commence par vouloir corrompre la femme de son bienfaiteur, et n’en pouvant venir à bout, il se sert de l’acte de donation pour le chasser juridiquement de chez lui, et abuse d’un dépôt qui lui a été confié pour faire arrêter et conduire en prison celai qui l’a comblé de bienfaits.— J’entends le poète se récrier : Quelle horreur! […] Le sot entêtement d’Orgon pour Tartufe, les simagrées de dévotion et de zèle du faux dévot, le caractère tranquille et réservé d’Elmire, la fougue impétueuse de son fils Damis, la saine philosophie de son frère Cléante, la gaieté caustique de Dorine, et la liberté familière que lui donne une longue habitude de dire son avis sur tout, la douceur timide de Marianne ; tout ce que la suite de la pièce doit développer, tout, jusqu’à l’amour de Tartufe pour Elmire, est annoncé dans une scène qui est à la fois une exposition, un tableau, une situation.