Ce sera l’honneur de la critique d’avoir protégé et défendu, obstinément, cette illustre artiste ; tant sur la fin de sa vie elle avait peine à se défendre contre les impatients qui se fatiguent d’entendre dire : — « Aristide est juste », — ou bien : « Mademoiselle Mars est la plus grande artiste de son temps ! […] Jamais, non, jamais, vous ne l’avez vue, vous qui l’avez bien vue, plus correcte, plus ingénieuse et plus franchement aimable ; ainsi, toute seule, elle se défend à outrance ; elle comprend qu’elle va succomber, mais elle succombera, comme le gladiateur, dans toute l’énergie de la victoire ; seulement, en tombant dans cette noble arène, illustrée par elle, elle pourra dire, elle aussi, son : — Reminiscitur Argos ! […] Ni les uns ni les autres ne songent même à posséder cette belle : ce qu’ils veulent avant tout, c’est une bonne parole et devant témoins ; c’est un tendre regard, en public ; ce sont des lettres qu’ils puissent montrer à tout venant ; et quant au reste, le reste viendra, si veut Célimène. — Et justement voilà pourquoi Célimène, fidèle au rôle qu’elle s’est imposée, est si prodigue envers les uns et les autres de bonnes paroles, de tendres regards, de billets doux ; là est sa force, et elle a besoin d’être forte pour se défendre. […] Du fond de son cercueil le mort doit défendre sa couronne funèbre, s’il ne veut pas que cette couronne devienne un outrage à quelque célébrité vivante.