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121. (1886) Molière : nouvelles controverses sur sa vie et sa famille pp. -131

Veut-on apprécier à sa juste valeur cette jolie scène du Bourgeois gentilhomme (la neuvième du troisième acte) où Cléante, après avoir stigmatisé les torts et les défauts de Lucile, prend tout à coup sa défense en entendant Covielle abonder dans son sens, croit-on qu’il soit indifférent de connaître la brouille qui existait alors entre Molière et sa femme et les discussions du poète avec son ami Chapelle, qui s’appliquait à envenimer la plaie, en dénigrant celle que le mari irrité, mais toujours épris, se. sentait malgré lui conduit à défendre ? […] Et cependant se peut-il que le malheureux poète n’ait pas fait un retour sur sa propre situation quand il traçait le portrait de cette jeune coquette au cœur sec, à l’esprit frivole et avide de tous les hommages dont Alceste aperçoit si bien les défauts, et qu’il ne peut s’empêcher d’aimer néanmoins, par un faible dont il est le premier à rougir ? […] Dans un de ces petits romans à scandale, écrits à l’aide de faits connus de tous et de récits imaginaires, et qui pullulèrent en France après le succès de l’Histoire amoureuse des Gaules, un de ces petits romans comme les Mémoires de Marie Mancini, etc., le pamphlétaire émit contre Armande, en termes exprès, l’accusation d’adultère ; et, pour mieux prouver son dire, il cite la date des infortunes de Molière et le nom de quatre de ces heureux collaborateurs : c’est là que nous le prenons en défaut. […] Car, si l’on excepte les Fâcheux, où Molière a peint plutôt des ridicules que des vices, le Misanthrope est la seule de ses pièces où il ait mis en scène des gens de cour : partout ailleurs il ne s’est attaqué qu’aux défauts et aux ridicules de la bourgeoisie. […] C’est, sans compromettre le respect dû à la droiture et à la vertu, de démontrer que ces qualités ne valent que par la mesure ; qu’elles sont inutiles et même nuisibles quand cette mesure leur fait défaut, car l’excès gâte les meilleures choses.

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