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111. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

J’ajouterai même qu’avant d’aimer Célimène, il savait évidemment se contenir ; car il est de ces honnêtes gens qui craignent les éclats, et la scène du sonnet témoigne qu’il n’affiche pas volontiers son opinion. […] Ici le souvenir de Tartuffe nous viendrait tout naturellement, si l’on ne craignait l’injure d’un si laid voisinage. […] En vain d’un lâche orgueil leur esprit revêtu Se couvre du manteau d’une honnête vertu ; Leur cœur qui se connaît et qui fuit la lumière, S’il se moque de Dieu, craint Tartuffe et Molière. […] Il ne craint pas même d’exagérer le mouvement, d’accentuer un peu trop la voix, pour que tout soit vu et entendu, à longue portée, sans équivoque ; car, si certaines finesses de littérature exquise conviennent au loisir du goût et au sang-froid de la réflexion, le public d’un théâtre doit être conquis à force ouverte. […] Toutes trois étant affectées du même travers, on pouvait craindre un peu de monotonie ; mais, en conservant l’air de famille, Molière a su varier les nuances et distinguer les figures par une expression très individuelle.

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