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51. (1746) Notices des pièces de Molière (1661-1665) [Histoire du théâtre français, tome IX] pp. -369

« On ajoute à cet avis que celui qui a écrit cette conversation, de laquelle il était, a jugé qu’elle plairait davantage sous la forme qu’il lui a donnée que dans une narration de plain-pied, qui n’aurait pu avoir les mêmes grâces. […] Il sut, par le tableau de ce qui se passa dans les cercles de Paris, tandis que L’École des femmes en faisait l’entretien, tracer une image fidèle d’une des parties de sa vie civile, en copiant le langage et le caractère des conversations ordinaires des personnes du monde. […] « Dans la comédie espagnole, la princesse, qui dédaigne l’amour, a une conversation avec le prince, dont elle est aimée autant que de ses autres amants, mais qui, pour l’engager plus sûrement, feint une insensibilité égale à la sienne ; la princesse paraît irritée de cette indifférence, de ce que malgré ses mépris, le prince ne lui offre pas son cœur comme les autres princes ; elle commence sans s’en apercevoir à l’estimer par dépit, et pour mieux découvrir les vrais sentiments du prince, elle lui fait un faux aveu de son inclination pour l’un de ses amants. […] Il était donc en quelque sorte indispensable que la scène ne se passât point hors du théâtre ; et lorsqu’au commencement du quatrième acte, la princesse, le prince et le bouffon paraissent, le spectateur qui, en les voyant, soupçonne que c’est là la première fois qu’ils ont pu se parler tête à tête, est charmé d’entendre leur conversation, et il eût été très fâché qu’on n’eût fait que lui en rendre compte. […] « [*]Dans L’Amour médecin, Molière introduit sur le théâtre quatre médecins qui s’enferment pour consulter : pendant toute la scène, leur conversation ne roule que sur des objets tout à fait étrangers à la maladie pour laquelle ils sont appelés ; et cependant, sans en avoir dit un mot, ils finissent par donner hardiment leurs ordonnances pour la malade.

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