« Molière est le premier qui ait su tourner en scènes ces conversations du monde, et y mêler des portraits ; Le Misanthrope en est plein, c’est une peinture continuelle ; mais une peinture de ces ridicules que les yeux vulgaires n’aperçoivent pas. Il est inutile d’examiner ici en détail les beautés de ce chef-d’œuvre de l’esprit, et de montrer avec quel art un homme, qui pousse la vertu jusqu’au ridicule, est si rempli de faiblesse pour une coquette ; de remarquer la conversation, le contraste charmant d’une prude, avec cette coquette outrée. […] La jeune veuve chez qui toute la compagnie se trouve n’est point fâchée d’avoir la Cour chez elle… La conversation est toute aux dépens du prochain ; et la coquette médisante fait voir ce qu’elle sait, quand il s’agit de le dauber, et qu’elle est de celles qui déchirent sous main jusqu’à leurs meilleurs amis. « Cette conversation fait voir que l’auteur n’est pas épuisé, puisqu’on y parle de vingt caractères, de gens qui sont admirablement bien dépeints, en peu de vers chacun ; et l’on peut dire que ce sont autant de sujets de comédie que Molière donne libéralement à ceux qui s’en voudront servir. Le Misanthrope soutient bien son caractère pendant cette conversation, et leur parle avec la liberté qui lui est ordinaire.