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72. (1746) Notices des pièces de Molière (1661-1665) [Histoire du théâtre français, tome IX] pp. -369

Lorsqu’Alcidas, afin d’obliger Sganarelle à tenir la parole qu’il a donnée d’épouser sa sœur, veut lui donner pour la troisième fois des coups de bâton, et que celui-ci a répondu, j’épouserai, j’épouserai, le père arrive qui, après avoir contraint sa fille à donner la main à Sganarelle, s’écrie, en lui adressant la parole : Le Ciel soit loué : m’en voilà déchargé, et c’est à vous désormais que regarde le soin de sa conduite. […] Molière sentit que cette conduite n’était ni vraisemblable ni censée, et qu’une princesse ne pouvait, sans blesser la bienséance, se livrer de la sorte à la discrétion d’un valet qu’elle connaît seulement depuis un jour. […] Cette première démarche est une preuve du génie de Molière, puisque par elle il répare le désordre qui règne dans tout le cours de l’action, et que par ce seul changement il la rend vraisemblable, et lui donne une conduite sage et régulière. […] Il vaut donc mieux suspendre l’action pour un moment, que de la ralentir par une observation mal entendue des règles ; et les moins intelligents sentiront les motifs qui ont déterminé Molière à en user de la sorte, et le mérite qu’il a eu dans une pareille conduite.

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