La société est inondée d’un essaim de prudes qui introduisent la fadeur & l’affectation jusques dans la galanterie, qui n’étalent que des sentiments outrés & romanesques, n’ont que des expressions bizarres, composent un jargon nouveau & inintelligible qui gagne insensiblement le cabinet des Auteurs : l’affectation se répand dans la parure, dans la prononciation, dans le commerce de la vie ordinaire. […] Nous allons donc dans le volume suivant placer Moliere au milieu des théâtres de tous les âges & de toutes les nations, l’entourer de ses prédécesseurs & de ses contemporains : là, nous le verrons, les yeux fixés sur un chaos, où rien n’est à sa place par sa nature, où rien n’est lié par ses rapports, rejetter des défauts, ramasser des beautés presque imperceptibles, & s’immortaliser enfin, en se rendant original, soit dans les scenes qu’il n’a faites, dit-on, que copier, soit dans les pieces qu’on lui reproche d’avoir traduites, & sur-tout dans celles qu’il a composées d’après plusieurs ouvrages différents. […] Moliere a, dit-on, composé cette scene & celle de Chrisalde, dans l’Ecole des Femmes, pour s’étourdir sur le ridicule dont il se croyoit couvert par les infidélités de sa femme : j’en doute fort.