Un des grands secrets de l’art, qu’il a emporté presque tout entier avec lui, c’est d’intéresser le spectateur aux jeunes filles sur le mariage desquelles l’intrigue de sa comédie est fondée ; c’est ce que Regnard, Dancourt et beaucoup d’autres n’ont jamais fait ; leurs amoureuses sont des coquettes commencées ou achevées ; Quoi de plus aimable et de plus vertueux que les amoureuses de Molière ? […] Il commençait son spectacle par sa machine, ensuite de quoi les trois enfants dansaient une sarabande ; ce qui était suivi d’une comédie que ces trois petites personnes, et quelques autres dont Raisin avait, formé une troupe, représentaient tant bien que mal. […] Pendant que cette nouvelle troupe se faisait valoir, le petit Baron était en pension à Villejuif ; et un oncle et une tante, ses tuteurs, avaient déjà mangé la plus grande et la meilleure partie du bien que sa mère lui avait laissé5, et lui en restant peu qu’ils pussent consommer, ils commençaient à être embarrassés de sa personne. […] Ils regardaient tous ce bon accueil comme la fortune de Baron, qui ne fut pas plus tôt arrivé chez Molière, que celui-ci commença par envoyer chercher son tailleur pour le faire habiller (car il était en très mauvais état), et il recommanda au tailleur que l’habit fût propre, complet, et fait dès le lendemain matin. […] Mademoiselle Beauval, qui était présente, dit d’un air chagrin : « Je vois bien que cet ordre est pour me faire entendre que je commence à n’être plus capable de remplir mon emploi ; ainsi je me retire. » En effet, elle et son mari quittèrent le théâtre à la clôture de Pâques de l’année 1704.