Un peintre habile offre aux yeux le beau côté de son modele & les traits qu’il croit le plus propres à frapper les connoisseurs, à parer l’ordonnance de son tableau, à en caractériser chaque partie & l’ensemble : un Auteur ingénieux met en action ce qu’il croit plus digne d’être offert aux yeux du spectateur, de captiver plus agréablement son imagination, de concourir à la beauté de ses scenes, de sa piece, & jette dans les entr’actes les redites qui seroient ennuyeuses à entendre, & les actions qui ne seroient pas agréables à voir ; par conséquent on ne sauroit trop louer la prudence des poëtes qui placent derriere la toile les déclarations amoureuses, quand elles doivent être fades, les collations, les donations, & mille autres ressorts très nécessaires à la comédie, mais très ennuyeux à voir. […] On a pu voir un peu de pantomime dans un entr’acte de la Dame invisible ou l’Esprit follet, comédie en vers, en cinq actes, de Hauteroche : mais l’on ne doit pas lui reprocher cette faute ; c’est aux comédiens, ou plutôt à leurs machinistes. […] Il a fait soixante & deux comédies, qui se ressentent toutes de la précipitation avec laquelle l’Auteur travailloit. […] On raconte qu’il avoit été chargé d’aller porter aux Administrateurs de l’Hôtel-Dieu la rétribution que la Comédie est obligée de donner à cet Hôpital, & qu’en s’acquittant de cette commission, il fit un beau & long discours pour prouver que les Comédiens méritoient, par le secours qu’ils procuroient aux pauvres, d’être a l’abri de l’excommunication ; mais son éloquence ne fut pas assez persuasive. […] On a dit de lui qu’il jouoit noblement la comédie, & bourgeoisement la tragédie.