Moliere qui eut quelque honte de se sentir si peu de constance pour un malheur si fort à la mode, resista autant qu’il pût ; mais comme il étoit alors dans une de ces plenitudes de cœur si connuës par les gens qui ont aimé, il ceda à l’envie de se soulager, & avoüa de bonne foi à son ami, que la maniere dont il étoit forcé d’en user avec sa femme, étoit la cause de l’accablement où il se trouvoit. […] Pour moi, lui dit-il, je vous avouë que si j’estois assez malheureux pour me trouver en pareil état, & que je fusse fortement persuadé que la personne que j’aimerois accordât des faveurs à d’autres, j’aurois tant de mepris pour elle, qu’il me gueriroit infailliblement de ma passion : encore avez vous une satisfaction que vous n’auriez pas si c’étoit une maitresse, & la vengeance qui prend ordinairement la place de l’amour dans un cœur outragé, vous peut payer tous les chagrins que vous cause vôtre épouse, puis que vous n’avez qu’à la faire enfermer ; ce sera même un moyen assûré de vous mettre l’esprit en repos. […] Pour vous répondre donc sur la connoissance parfaite que vous dites que j’ai du cœur de l’homme, par les portraits que j’en expose tous les jours au public, je demeurerai d’accord que je me suis étudié autant que j’ai pu à connoître leur foible ; mais si ma science m’a appris qu’on pouvoit fuir le peril, mon experience ne m’a que trop fait voir, qu’il étoit impossible de l’éviter, j’en juge tous les jours par moi-même.