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110. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

Cet effet naturel des passions est signalé en ces termes dans cette comédie, alors que Done Elvire se plaint de la jalousie de Don Garcie : « Voir un prince emporté qui perd à tous moments le respect que l’amour inspire aux vrais amants ; qui, dans les soins jaloux où son âme se noie, querelle également mon chagrin et ma joie, et dans tous mes regards ne peut rien remarquer qu’en faveur d’un rival il ne veuille expliquer. » Mais les facultés intellectuelles ne se bornent pas alors à interpréter faussement les faits, à créer ainsi des idées chimériques, délirantes ; elles prêtent également tout leur concours à la satisfaction de la passion. […] Sganarelle, absorbé par sa jalousie, croit que tout le monde pense à ce qui le préoccupe, et il prend les paroles courroucées que Célie prononce contre Lélie, son amoureux, pour de l’indignation que ferait éprouver à cette jeune fille la cause qui le chagrine, lui, Sganarelle. […] L’observation démontre que le plaisir et le bonheur de l’homme résident dans la satisfaction de ses éléments instinctifs prédominants, quels qu’ils soient, et que le chagrin et le malheur résident dans ce qui froisse, blesse et contrarie ces mêmes éléments, dans tout ce qui contrecarre leur satisfaction. […] Le mot Misanthrope, par lequel Molière intitule sa pièce, n’indique même pas le but qu’il s’est proposé, car Alceste n’est misanthrope morose, injuste, inconvenant, [p.81] que par suite de son fanatisme du bien, que par le chagrin que lui causent l’injustice des hommes, les vices de ses semblables.

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