Une tradition bien connue rapporte qu’à Pézenas il s’en allait, les jours de marché, s’installer dans la boutique d’un barbier, et que, assis dans un grand fauteuil, il écoutait, il regardait, tandis que bourgeois et manants, gentilshommes campagnards et beaux de petite ville bavardaient autour de lui. […] J’ai déjà dit quelles étroites relations Molière entretenait avec sa famille depuis son retour à Paris et ce qu’il prit à ce milieu bourgeois. […] Le Roman comique ne nous donne que la caricature de ces bons bourgeois accueillant des comédiens de passage ; le même tableau est indiqué d’une touche plus vraie par le biographe du bailli-académicien. […] Qu’on lise, au quatrième acte du Bourgeois gentilhomme, le menu décrit par Dorante ; il y a là une science, une précision de termes, une complaisance qui dénotent le « bon gourmet, » comme on disait alors. […] Aussi, écoutez ses ennemis : « Si vous voulez jouer Élomire, disait l’auteur de Zélinde, il faudroit dépeindre un homme qui eût dans son habillement quelque chose d’Arlequin, de Scaramouche, du docteur et de Trivelin, que Scaramouche lui vint redemander ses démarches, sa barbe et ses grimaces, et que les autres lui vinssent en même temps demander ce qu’il prend d’eux dans son jeu et dans ses habits. » Lacroix trouve le moyen d’enchérir : « Le bourgeois se lassoit de ne voir que les postures et les grimaces des Trivelins et de ne pas entendre ce qu’ils disent ; Molière est venu et les a copiés, Dieu sait comment !