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55. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Le Malade imaginaire est complètement un imbécile, sans une ombre de goût et d’esprit, en dehors de sa maladie ; le Bourgeois gentilhomme, autre victime : on ne lui laisse pas même assez de bon sens pour se conduire, au-delà de sa passion d’être et de paraître. — Tout ou rien, voilà la comédie ; ou la honte absolue, ou la gloire sans tache ! […] Vous ne voulez pas que je m’étonne quand j’entends retentir autour de ces seize ans non accomplis, les dissertations conjugales du seigneur Arnolphe, et ces mots grossiers de la vieille langue bourgeoise que M.  […] Voilà donc que, pour augmenter l’embarras de cette pauvre enfant, le même jour et pour ainsi dire à la même heure, et sans transition, vous la faites passer de L’École des femmes à L’Épreuve nouvelle, de l’Agnès qui se défend à l’Agnès qui attaque, des sentiments bourgeois aux sentiments raffinés, — de la chaise de paille à la chaise longue, du gros mot au mot à double sens, de l’ail au musc, de la bure à la soie ! […] le salon de Célimène, plus rempli d’hommes que de femmes, de petits marquis que de grands seigneurs, de femmes sur le retour que de jeunes femmes, de comtesses que de bourgeoises, c’est le salon de mademoiselle Molière, situé comme il était entre Paris et Versailles, sur les limites de deux mondes qui venaient à elle ; elle n’appartenait qu’à demi à ce monde-ci, elle n’appartenait qu’à moitié à ce monde-là.

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