/ 158
13. (1852) Molière — La Fontaine (Histoire de la littérature française, livre V, chap. I) pp. 333-352

C’est sans doute sa propre opinion qu’il exprime, lorsqu’il met dans la bouche de Dorante1 ce parallèle de la tragédie et de la comédie : « Je trouve qu’il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la fortune, accuser les destins et dire des injures aux dieux, que d’entrer comme il faut dans les ridicules des hommes, et de rendre agréablement sur le théâtre les défauts de tout le monde. […] À ce compte, il aurait fallu fermer la bouche aux nobles et pieux orateurs du dix-septième siècle, parce que les prédicateurs de la Ligue avaient profané la chaire évangélique. […] Et d’abord, quand on a lu Le Misanthrope, Tartuffe et Les Femmes savantes, on a peine à comprendre les critiques que Fénelon et La Bruyère ont faites du style de Molière, et on ne se les explique qu’en les rapportant à ses premiers essais ou, dans les œuvres de son âge mûr, au langage populaire qu’il a dû mettre, pour être vrai, dans la bouche de quelques vauriens de bas étage. […] Aussi voyez à quelle mâle éloquence il s’élève, lorsqu’il met dans la bouche du paysan du Danube ces terribles paroles : Craignez, Romains, que le ciel quelque jour Ne transporte chez vous les pleurs et la misère, etc.

/ 158