Si l’on me la vante comme une imitatrice beaucoup plus exacte de la vie réelle, oh n’aura pas besoin de longs développements, car je suis pleinement convaincu de la ressemblance et de la fidélité de ses copies. […] Je ne sais pas pourquoi on a laissé Diderot revendiquer pour lui le douteux honneur d’avoir inventé ce genre ; la plupart des pièces qui composent ce que la critique française appelle emphatiquement la haute comédie ne sont pas autre chose que des drames moraux, et nous leur trouverions au besoin des précédents et des modèles dans l’antiquité. […] Mais ceci a besoin d’explication. […] J’arracherai le voile qui cache aux Français la vraie figure de leur poète favori, non pour faire tomber tout leur enthousiasme, mais pour l’éclairer et l’épurer, et s’ils continuent à appeler Molière le plus grand des poètes comiques, messieurs, sachons être indulgents pour une nation spirituelle qui ne connaît pas la véritable valeur des mots, parce que le ciel lui a envié l’esprit philosophique, je veux dire ce besoin de logique et de définitions qui est le commencement de la sagesse. […] Quand la réputation classique de Molière qui seule maintient encore ses pièces au théâtre117, sera tombée, on verra de quel danger est menacé l’auteur comique dont les ouvrages n’ont pas de base poétique, et sont fondés uniquement sur cette froide imitation de la vie réelle, qui ne peut jamais satisfaire les besoins de l’imagination118.