Les crispins de Regnard, les paysans de Dancourt, font rire au théâtre; Dufresny étincelle d’esprit dans sa tournure originale; le Joueur et le Légataire sont d’excellentes comédies ; le Glorieux, la Métromanie et le Méchant, ont des beautés d’un autre ordre, mais rien de tout cela n’est Molière : il a un trait de physionomie qu’on n’attrape point: on le retrouve jusque dans ses moindres farces, qui ont toujours un fond de vérité et de morale. […] Quant au comique de situation, « la beauté du sujet de l’École des Femmes consiste surtout dans les confidences perpétuelles que fait Horace au seigneur Arnolphe ; et ce qui doit paraître le plus plaisant, c’est qu’un homme qui a de l’esprit, et qui est averti de tout par une innocente qui est sa maîtresse, et par un étourdi qui est son rival, ne puisse avec cela éviter ce qui lui arrive. »Cette remarque n’est point de moi ; elle est d’un homme qui devait s’y connaître mieux que personne, de Molière, lui-même, qui s’exprime ainsi mot à mot par la bouche d’un des personnages de la Critique de l’École des Femmes, petite pièce fort jolie, qu’il composa pour répondre à ses censeurs, et qui fut jouée avec beaucoup de succès. […] Je n’aurais pas entrepris cette réfutation après celle de deux écrivains supérieurs, MM. d’Alembert et Marmontel, si elle ne m’eût servi à répandre un plus grand jour sur une partie des beautés de cette admirable comédie. Comme elle m’a entraîné un peu loin, je passe rapidement sur les autres parties de l’ouvrage, sur le contraste de la prude Arsinoé et de la coquette Célimène, aussi frappant que celui d’Alceste et de Philinte; sur les deux rôles de marquis, dont la fatuité risible égaie le sérieux que le caractère du Misanthrope et sa passion pour Célimène répandent de temps en temps dans la pièce; sur les traits profonds dont cotte passion est peinte, sur la beauté du style qui réunit tous les tons; et je dois d’autant moins fatiguer l’admiration, que d’autres chefs-d’œuvre nous attendent et vont la partager.