Baillet, qu’il parloit assez bien françois, qu’il traduisoit passablement l’italien, qu’il ne copioit point mal ses auteurs ; mais on dit, peut-être trop légèrement, qu’il n’avoit point le don de l’invention, ni le génie de la belle poésie25, quoique ses amis même convinssent que dans toutes ses pièces le comédien avoit plus de part que le poëte, et que leur principale beauté consistoit dans l’action. » Quelques-uns trouvent qu’il outroit, dit M. de Grimarest26; mais ces gens-là ignorent les ressorts qui émeuvent le public, auquel il faut des traits marquez fortement, et lorsque Moliere en employoit de cette espèce, il n’ignoroit pas la manière d’en mettre en œuvre de plus délicats, aussi bien que Plaute et Terence auxquels bien des gens l’ont préféré. […] La sagesse de ses expressions, la conduite de ses intrigues, la finesse de ses pensées, le tour naturel de son style, et surtout la beauté de ses caractères, qui tendent tous à rendre le vice ridicule et méprisable, sont des choses que quelques-uns de ceux qui lui ont succédé dans le genre comique, ont imité d’assez près dans un petit nombre de pièces, mais qui peut-être ne se trouvent reunis dans aucune. […] Il ne la fit pas même imprimer137, quoi qu’elle ne soit pas sans beautés pour ceux qui sçavent se transporter aux lieux, aux temps et aux circonstances dont ces sortes de divertissemens tirent leur plus grand prix » Dans l’Etourdi, qui est la premiere comedie de Moliere, on doit observer que le valet fourbe ne fait pas l’intrigue de la fable, comme il le paroît d’abord ; car il imagine toutes ses fourberies avec tant de jugement qu’il n’auroit besoin que de la premiere pour arriver à ses fins ; mais, l’étourdi détruisant par son caractère tout ce que fait le valet, et ce valet se piquant de réussir, ils composent tous deux une intrigue, dont on peut dire que le caractère de l’Etourdi est le premier mobile.