Vous avez beau remonter à l’origine des choses et des idées ou à l’A B C de la grammaire et de la rhétorique, suivre un à un les pas de la logique ou faire appel au sens commun simplement, mettre en avant la raison ou, ce qui vaut mieux, la nature ; au fond de toutes vos théories littéraires il y a un sentiment, pas autre chose, analogue, non point au sentiment large d’un homme libre de préjugés qui trouve belles toutes les belles fleurs et belles toutes les belles femmes, chacune dans son genre de beauté, mais au sentiment étroit d’un petit propriétaire qui n’a d’yeux que pour les fleurs de ses plates-bandes et de ses pois, ou d’un jeune amoureux prêt à rompre les os au premier qui osera dire que sa maîtresse n’est pas la plus belle femme du monde. […] Fions-nous à toutes les impressions du beau et du laid, du sublime, du comique, du tragique, etc. sur notre esprit cl sur notre âme, en priant notre bon ange de nous garder des théories et des définitions, qui ôtent au sens littéraire sa candeur naïve, et de la logique, qui lue la liberté. […] La véritable largeur n’est point dans la sensibilité littéraire ; elle est dans l’intelligence, et le plus bel emploi qu’un philosophe puisse faire de son intelligence, c’est d’expliquer avec calme par une seule cause naturelle ou par une série logique de causes naturelles, tout ce qui étonne, irrite, scandalise, désole, chagrine, impatiente les esprits vulgaires et bornés.