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206. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

Mais cette distinction, si belle et si juste en théorie, est-il toujours facile d’en faire une exacte application ? […] À la vérité, on trouve dans Horace cette peinture d’un faux dévot de l’ancienne Rome : « Cet homme vertueux sur qui tous les yeux sont attachés, soit dans les places publiques, soit dans les tribunaux, toutes les fois qu’il apaise les dieux par le sacrifice d’un porc ou d’un bœuf, ne manque pas d’élever la voix en invoquant Apollon ou Janus ; puis, marmottant tout bas en homme qui craint d’être entendu : Belle Laverne, dit-il, accordez-moi la grâce de duper tous les yeux, de passer pour un homme juste, irréprochable ; enveloppez mes fraudes d’une nuit profonde, couvrez mes fourberies d’un nuage favorable. » À ces traits, il est difficile de méconnaître l’hypocrisie religieuse, l’hypocrisie de dévotion. […] Comme l’abbé de Roquette fréquentait beaucoup cette belle et galante princesse, il est peut-être le héros de l’aventure dont parle Rousseau, et alors la duchesse y aurait joué le rôle d’Elmire. […] Cette vue anima la figure béate d’un de ces dévots qui, choisissant les plus belles truffes, dit au nonce en les lui montrant : Tartufoli, signor nunzio, tartufoli. […] Pendant ces beaux discours, Orgon, sous une table, Incrédule toujours, pour être convaincu, Semble attendre en repos qu’on le fasse cocu : Il se détrompe enfin, et comprend sa disgrâce, Déteste le Tartuffe, et pour jamais le chasse.

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