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154. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

» C’est un petit chef-d’œuvre que ce dialogue ; chef-d’œuvre d’art et de poésie, de finesse comique et de grâce, de vérité aussi. […] Toute la pièce était conçue pour mettre en relief ses diverses qualités, art de la parure, chant, danse ; et Euryale, représenté par La Grange, détaillait en son honneur un portrait qui dut être salué de longs applaudissemens : « Elle est adorable en tout temps, il est vrai ; mais ce moment l’a emporté sur tous les autres, et des grâces nouvelles ont redoublé l’éclat de ses beautés. […] Armande dut éprouver dans ce rôle d’enivrantes joies d’amour-propre ; princesse, amante adorée, déesse, elle s’offrait aux applaudissemens avec toutes les séductions que l’art et la poésie peuvent réunir autour d’une comédienne. […] Ce dédommagement s’offrit à elle sous les espèces d’un fort honnête homme, bien fait, estimé dans son art ; pourquoi aurait-elle joué sans conviction le rôle d’une Andromaque inconsolable ? […] Le bonheur qu’elle trouvait dans sa nouvelle famille, et aussi la nonchalance naturelle que nous lui connaissons par Molière, l’avaient détachée peu à peu de son art ; elle n’avait encore que cinquante-deux ans, et elle aurait pu briller longtemps encore, à une époque où les comédiennes, même les ingénues et les grandes coquettes, s’éternisaient volontiers dans leur emploi, car, dans un théâtre où un public constant les voyait chaque jour, il ne s’apercevait pas qu’elles vieillissaient.

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