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119. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

C’est un art de qui l’importance est toujours respectée ; et, quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. […] Molière était un parfaitement honnête homme ; mais sa probité ne s’appuyait pas sur les croyances religieuses, mais il était comédien, il était auteur de comédies ; et presque doublement anathématisé par l’église en cette double qualité, quelquefois même désigné particulièrement dans les chaires comme corrupteur de la morale publique, il considérait, non sans raison, les prêtres et tous ceux qui les prenaient docilement pour guides dans la carrière du salut, comme les ennemis de son art, de son établissement, de sa fortune, de son repos même. […] » Quoique, d’après ces détails, on puisse présumer qu’en effet Molière a tiré parti, de quelque anecdote, de quelque trait venu à sa connaissance, tout doit se réduire à ceci : il a trouvé son sujet où il l’avait dû chercher, dans l’étude de l’homme et dans l’observation de la société ; mais dans ce sujet il a trouvé un chef-d’œuvre, et c’est là ce qui, dans les arts, constitue le génie créateur. […] Mais l’art du poète qui traduit un fourbe sur la scène, consiste à lui tendre des pièges que ne puisse soupçonner toute sa défiance, ou que ne puisse éviter toute son adresse ; surtout à soulever contre lui ceux de ses vices dont il est le moins maître, afin que, dans le combat de ses passions et de son intérêt, son masque tombe ou se dérange. […] Finissons par une remarque qui achève de prouver, contre l’opinion de La Bruyère, quelle idée juste Molière s’est formée du personnage d’hypocrite, et en même temps quel art il a employé dans la peinture de ce caractère.

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