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17. (1819) Notices des œuvres de Molière (IV) : La Princesse d’Élide ; Le Festin de Pierre pp. 7-322

D’un autre côté, Molière a négligé, à son grand regret sans doute, plus d’une situation piquante, plus d’une combinaison ingénieuse que lui offrait le poème espagnol ; content de disposer avec plus d’art et de renfermer dans des proportions plus justes les scènes qu’il s’appropriait, il n’a fait souvent qu’en arrêter le trait, au lieu d’y appliquer la couleur, qu’en ébaucher les masses, au lieu d’en peindre avec soin les détails ; multipliant les actes, apparemment pour multiplier les divertissements qui devaient les séparer, il semble avoir quelquefois manqué de matière, et son dernier acte principalement n’est, pour ainsi dire, qu’une dernière scène, à laquelle on pourrait même trouver trop peu d’ampleur et de développements. […] Dans toutes, un amour mutuel, né subitement, et accéléré plutôt qu’arrêté dans sa marche par une suite de petits obstacles que suscite soit un préjugé, soit un malentendu, soit une bizarrerie de caractère, arrive à la conclusion désirée de part et d’autre, au moment où il en paraît le plus éloigné, et sans que les personnages intéressés aient eu autre chose à faire qu’à laisser enfin échapper de leur bouche un mot, un seul mot trop longtemps suspendu. […] Je ne puis le taire ; pour réduire son sujet aux proportions de temps et de lieu qu’exige la scène française, Molière l’a étrangement mutilé ; le peu d’unité qu’il y avait dans l’action, a tout à fait disparu ; le commencement, le milieu et la fin sont autant de pièces à la suite l’une de l’autre ; enfin, le tout n’est qu’un assemblage, un entassement d’épisodes qui ne s’engendrent pas ; mais se succèdent, qui ne se terminent pas, mais s’arrêtent, et que remplace, en manière de dénouement, un épisode nouveau qui n’a point son origine dans ceux dont il est précédé. […] Ce que Dorimond n’avait mis que dans son titre, Molière l’a mis dans sa pièce, c’est-à-dire que son dom Juan est un athée véritable, un athée systématique, dont les idées sont arrêtées et, à ce qu’il croit, inébranlables.

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