Ce ne sont pas seulement les préceptes moraux sentis par la conscience en état de raison qui disparaissent momentanément de l’esprit dans l’état de folie ; ce sont également les préceptes appris par l’instruction et retenus par la mémoire. […] Ignorante, il est vrai, de tout ce qui s’apprend intellectuellement, elle possède au suprême degré la science innée et instinctive que donnent les sentiments, les instincts du cœur, science que ne donnent ni l’intelligence la plus vaste ni l’instruction la plus étendue. […] De même que les sentiments moraux ont leur délicatesse, Molière, à qui rien de ce que renferme le cœur humain ne reste inconnu, nous apprend que les sentiments pervers ont aussi leur délicatesse, ou plutôt leur raffinement. […] Philosophes et moralistes, qui êtes assez peu versés dans la science du cœur humain pour affirmer que l’homme est toujours doué de raison et de force morale suffisantes pour qu’il soit capable de combattre ses passions, étudiez les œuvres de Molière : vous apprendrez à connaître l’homme tel que la nature l’a fait, et, en méditant sur les vers qui vont suivre, vous apprendrez à compatir aux infirmités morales auxquelles nul n’échappe, et dont cependant on n’a jamais tenu compte, infirmités plus grandes et plus nombreuses peut-être que les infirmités physiques, plus préjudiciables sans contredit que les infirmités intellectuelles : alceste. […] Vous venez toujours mêler vos extravagances à toutes choses, et il n’y a pas moyen de vous apprendre à être raisonnable. » Voilà ce que dit la folie.