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15. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Si nous voulons donner un nom à cette première et nombreuse famille de critiques grands théoriciens et bons logiciens, nous l’appellerons tout naturellement l’école dogmatique. […] Si vous dites, pour citer une théorie qui jouit aujourd’hui d’une faveur incroyable, non seulement parmi les pauvres sols tout éplorés qu’Alfred de Musset traîne à ses talons, mais auprès des esprits les plus graves de notre époque, si vous dites que le vrai poète doit être une espèce de don Juan fatal, victime prédestinée de cet insatiable besoin d’aimer qu’on appelle le génie, et semblable au pélican qui donne à ses petits son propre cœur en pâture, s’il vous plaît de répéter cette déclamation, nous vous laisserons faire, et, quand vous aurez fini, nous vous rappellerons simplement l’admirable possession de soi d’un Cervantes et surtout d’un Shakespeare, qui dans la force de l’âge et du talent, cesse tout à coup d’écrire et se met à cultiver son jardin, comme Candide, après avoir eu la tête traversée par un effroyable torrent d’idées et d’images, dont quelques flots auraient suffi pour faire perdre l’équilibre à la plus ferme de nos cervelles. […] Si nous voulons donner un nom à cette deuxième et petite famille de critiques moins occupés de ce qu’ils croient que de ce qu’ils ne croient pas, nous l’appellerons sans difficulté l’école critique proprement dite. […] Tout le monde lui a déjà donné son vrai nom et l’appelle l’école historique.

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