C’était déchaîner toutes les tempêtes, appeler tous les orages ; c’était, dans une seule comédie, déclarer la guerre à toutes les passions et à tous les vices, déchirer le voile sous lequel ils se cachent, et les exposer dans leur odieuse nudité aux regards qu’ils fascinaient par les dehors d’une piété affectée et d’une austérité factice. […] Peut-être Louis XIV à Versailles se serait cru forcé de défendre l’ouvrage ; le roi ayant prononcé, il n’y avait plus de recours possible ; mais Molière pouvait en appeler du premier président au monarque, et ce fut sa première pensée. […] Il ne suffit pas à l’implacable dévot d’appeler sur Molière la colère du pouvoir et la vengeance du ciel ; il cite avec complaisance d’anciens supplices et semble les trouver encore trop doux ; il parle de cet auteur comique que Théodose avait condamné aux bêtes féroces. […] À cette solennelle reprise, Molière donna à son hypocrite le premier nom qu’il lui avait donné ; il reparut sous le nom de Tartuffe, et c’est ainsi qu’il est appelé dans toutes les éditions de l’ouvrage. […] Il paraît qu’en effet l’abbé Roquette a fourni les principaux traits au peintre du Tartuffe ; l’abbé de Choisi le dit formellement dans ses Mémoires, et madame de Sévigné, parlant de ce prélat, l’appelle malicieusement le pauvre homme.