Aujourd’hui même, des juges sincères peuvent être d’avis que cette absence complète, non-seulement de toute pratique, mais de toute pensée religieuse, a préludé, non pas à l’irréligion haineuse et prétendue savante des philosophes du dix-huitième siècle, mais à l’indifférence de bon ton qui règne de nos jours dans une grande partie de ce qui s’appelle par convenance la société chrétienne. […] Cette morale naturelle est nécessairement liée à l’idée de Dieu : elle ne va point sans religion, et quoique la morale de Molière ne parle guère de Dieu ni de religion, elle ne peut être confondue avec la morale que certaines gens appellent orgueilleusement indépendante 801 ; car, au fond, elle n’est morale, c’est-à-dire règle, que parce qu’elle est infuse en notre nature par la puissance divine, et elle n’est définie que parce que nous avons l’idée du bien, inséparable de l’idée de Dieu. […] Molière a voulu faire de Cléante le type du vrai chrétien, ayant de la religion et non de la religiosité : il le dit dans sa Préface, où il appelle Cléante « véritable homme de bien » et « vrai dévot ; » il lui donne, non-seulement les paroles d’un vrai chrétien : N’est-il pas d’un chrétien de pardonner l’offense ?