Selon Armande, dans le parfait amour, on doit tenir la pensée Du commerce des sens nette et débarrassée, Ce n’est qu’à l’esprit seul que vont tous les transports, Et l’on ne s’aperçoit jamais qu’on ait un corps. Presque tous les adversaires de Descartes, de même que Molière et Gassendi, lui reprochent soit sous une forme sérieuse, soit sous une forme ironique d’avoir fait l’âme indépendante du corps et de prétendre qu’elle ne doive pas s’apercevoir qu’elle ait un corps. […] Pour moi, par un malheur, je m’aperçois, Madame, Que j’ai, ne vous déplaise, un corps tout comme une âme; Je sens qu’il y tient trop pour le laisser à part : De ces détachements je ne connais point l’art, Le ciel m’a dénié cette philosophie, Et mon âme et mon corps marchent de compagnie. […] Chapelle et lui ne se passaient rien sur cet article-là : celui-là pour Gassendi, celui-ci pour Descartes. » Mais on voit que si Molière est cartésien, il ne l’est que pour la physique, par la charmante anecdote que rapporte ensuite Grimarest, de cette discussion philosophique, dans le bateau d’Auteuil, entre Molière et Chapelle , où chacun rivalise d’esprit et de force de poumons pour mériter quelques signes d’approbation de la part d’un juge prudemment muet, assis à l’avant du bateau, jusqu’à ce que le voyant tirer sa besace de dessous un banc, ils s’aperçoivent, à leur grande confusion, que ce n’est qu’un frère lai et non un profond théologien pour lequel ils se sont mis en si grands frais de verve et de dialectique.